L’affaire porte sur une demande de remboursement d’un crédit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) présentée par la société Qualygest France au titre du mois de mars 2015. L’administration fiscale avait refusé ce remboursement, estimant que le crédit devait être imputé sur des rappels de TVA résultant d’une vérification de comptabilité.
Les dispositions invoquées étaient notamment les articles 271 du Code général des impôts (CGI) et 242-0 A et 242-0 E de son annexe II, ainsi que les articles L. 177 et L. 203 du Livre des procédures fiscales (LPF).
Le problème de droit portait sur la possibilité pour l’administration de compenser un crédit de TVA avec des rappels de taxe sur le fondement de l’article L. 203 du LPF.
Le Conseil d’État juge que cette compensation n’est pas possible dans le cadre d’une demande de remboursement de crédit de TVA, mais que les rappels maintenus doivent être pris en compte pour apprécier la réalité du crédit. Cette décision précise donc la portée de la compensation fiscale et son articulation avec le droit au remboursement de TVA.
Litige
La société Qualygest France a fait l’objet d’une vérification de comptabilité et d’un contrôle sur pièces pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014. À l’issue de ces opérations, l’administration a procédé à des rappels de TVA et rejeté la demande de remboursement d’un crédit de 54 960 euros présentée au titre du mois de mars 2015.
Le tribunal administratif de Marseille, par deux jugements du 23 mai 2019, a rejeté les demandes de la société. La cour administrative d’appel de Marseille, après renvoi par le Conseil d’État (décision du 15 décembre 2022), a rendu un arrêt le 22 septembre 2023 accordant un remboursement partiel du crédit de TVA à hauteur de 46 752 euros, tout en confirmant des rappels à hauteur de 8 208 euros pour 2013 et en maintenant par voie de compensation des rappels de 49 012 euros au titre des années 2013 et 2014.
Le ministre de l’économie a formé un pourvoi en cassation, soutenant que la cour avait omis d’imputer la compensation sur le crédit de TVA. La société a formé un pourvoi incident, contestant le montant du remboursement et demandant qu’il soit porté à 54 960 euros.
Questions
Deux questions principales se posaient au Conseil d’État :
- L’administration fiscale peut-elle, sur le fondement de l’article L. 203 du LPF, compenser un crédit de TVA avec des rappels de taxe, dans le cadre d’un litige portant sur un remboursement de crédit de TVA ?
- Le juge doit-il tenir compte des rappels de TVA maintenus par compensation pour apprécier la réalité du crédit de TVA revendiqué par le contribuable ?
Position du juge
Le Conseil d’État rappelle que, selon l’article L. 203 du Livre des procédures fiscales, la compensation ne peut être effectuée que lorsqu’un contribuable demande la décharge ou la réduction d’une imposition. Or, une demande de remboursement de crédit de TVA n’a pas cet objet : il s’agit d’une créance du contribuable et non d’une imposition à réduire. Le juge ne peut donc pas admettre une compensation sur ce fondement dans un tel cadre.
Cependant, le Conseil d’État précise que, lorsqu’il statue sur un remboursement de crédit de TVA, le juge doit vérifier la réalité du crédit, conformément à l’article 271 du CGI et à l’article L. 177 du LPF. À ce titre, il peut et doit tenir compte des rappels de TVA maintenus à l’encontre du contribuable, dès lors qu’ils influent sur la formation du crédit demandé au remboursement.
En l’espèce, la cour administrative d’appel avait justement réduit le crédit de 54 960 euros à 46 752 euros en raison d’un rappel confirmé de 8 208 euros. Toutefois, elle avait commis une erreur de droit en ne prenant pas en compte les rappels maintenus par voie de compensation pour un montant de 49 012 euros dans l’appréciation du crédit.
Solution
Le Conseil d’État annule l’article 3 de l’arrêt du 22 septembre 2023 de la cour administrative d’appel de Marseille, en tant qu’il accorde à la société le remboursement d’un crédit de TVA de 46 752 euros.
Statuant au fond, il rejette la demande de remboursement présentée par la société Qualygest France, considérant que les rappels de TVA maintenus par compensation suppriment le crédit de taxe revendiqué.
Le Conseil d’État rejette également le pourvoi incident de la société et sa demande d’indemnisation au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Cette décision confirme que la compensation prévue par l’article L. 203 du LPF ne s’applique pas aux demandes de remboursement de crédit de TVA, mais que les rappels maintenus peuvent être pris en compte pour évaluer la réalité du crédit, ce qui en limite le montant ou peut le neutraliser entièrement.