Défaut de déclaration et altération mentale : la majoration de 40 % écartée

Le Conseil d’État a jugé que lorsqu’un contribuable, en raison d’une altération de ses facultés mentales, est empêché de pourvoir seul à ses intérêts personnels et patrimoniaux, le défaut de dépôt de sa déclaration de revenus ne peut être considéré comme lui étant imputable. Dans ce cas, la majoration de 40 % prévue par le b du 1 de l’article 1728 du CGI pour absence de déclaration après mise en demeure ne peut être légalement appliquée.

Litige

M. B., souffrant d’une altération de ses facultés mentales, n’a pas déposé sa déclaration de revenus pour l’année 2012 malgré deux mises en demeure de l’administration fiscale (24 juillet et 5 septembre 2014).

L’administration l’a donc taxé d’office et lui a appliqué la majoration de 40 % pour défaut de déclaration dans les trente jours suivant mise en demeure, prévue par le b du 1 de l’article 1728 du CGI.

Le tribunal administratif de Pau (14 avril 2022) a rejeté sa demande de décharge.

La cour administrative d’appel de Bordeaux (25 avril 2024) a confirmé ce jugement.

M. B., représenté par l’association tutélaire du Gers, s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’État.

 

Questions

  1. Procédure de taxation d’office :
    • L’altération des facultés mentales d’un contribuable empêche-t-elle l’administration d’appliquer la procédure de taxation d’office prévue aux articles L. 66 et L. 67 du Livre des procédures fiscales (LPF) ?
  2. Majoration pour défaut de déclaration (article 1728 du CGI) :
    • L’administration peut-elle infliger la majoration de 40 % prévue par le b du 1 de l’article 1728 du CGI, lorsque le contribuable, en raison de l’altération de ses facultés mentales, n’était pas en mesure de répondre aux mises en demeure de déposer sa déclaration ?

Position du juge

  • Sur la taxation d’office :

Le Conseil d’État considère que l’altération des facultés mentales d’un contribuable n’empêche pas l’administration de recourir à la taxation d’office en l’absence de déclaration (art. L. 66 et L. 67 LPF).

La procédure reste donc régulière dès lors qu’aucune déclaration n’a été produite.

→ Le moyen tiré de l’irrégularité de la taxation d’office est écarté.

  • Sur la majoration de 40 % (article 1728 du CGI) :

Le Conseil d’État constate que le jugement du tribunal d’instance de Condom du 12 décembre 2014, prononçant la curatelle renforcée de M. B., se fondait sur un certificat médical du 24 août 2014 attestant d’une altération de ses facultés mentales empêchant de pourvoir seul à ses intérêts.

Or, cette date se situe dans le délai de trente jours suivant la première mise en demeure (24 juillet 2014).

La cour administrative d’appel de Bordeaux, en ne tenant pas compte de cet élément médical décisif, a dénaturé les pièces du dossier.

Le Conseil d’État juge donc que le défaut de déclaration ne peut être imputé à M. B., dès lors que son état mental l’empêchait d’y procéder.

 

Solution

  • Annulation partielle de l’arrêt de la CAA de Bordeaux (25 avril 2024) en ce qu’il confirmait la majoration de 40 %.
  • Décharge de la majoration de 40 % infligée à M. B. pour l’année 2012 (article 1728 CGI).
  • Réformation du jugement du TA de Pau en ce sens.
  • Condamnation de l’État à verser 3 000 euros à M. B. au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
  • Le surplus du pourvoi est rejeté.