Litige relatif à une retenue à la source (RAS) pratiquée en France au titre de l’article 182 B du CGI sur des sommes versées en 2014 par une agence de presse française à une société néerlandaise au titre de droits de reproduction de photographies (redevances). La société Lolie invoquait la convention fiscale franco-néerlandaise du 16 mars 1973 : art. 12 (redevances imposables exclusivement dans l’État de résidence du bénéficiaire), art. 4 (notion de résident) et art. 2 (champ des impôts, « y compris toutes retenues à la source » côté français). Le Conseil d’État censure l’analyse de la CAA qui exigeait une « soumission effective » à l’impôt néerlandais et juge qu’il suffit d’établir la résidence fiscale au sens de l’art. 4 pour écarter la RAS de l’art. 182 B CGI au profit de l’imposition exclusive aux Pays-Bas prévue par l’art. 12.
Faits
La société Lolie, agence de presse (radiée en 2022), a fait l’objet d’une vérification de comptabilité. L’administration lui a réclamé un rappel de retenue à la source de l’article 182 B du CGI sur les sommes versées en 2014 à la société néerlandaise The Continuity Group Numeric Photos BV en contrepartie des droits de reproduction de photographies. La société a contesté devant le TA puis la CAA. Par décision du 29 octobre 2024, le Conseil d’État a admis partiellement le pourvoi de Lolie sur le seul volet « retenue à la source 2014 ».
Questions de droit
La question centrale était de savoir si, au regard de la convention franco-néerlandaise de 1973, la France pouvait prélever la RAS de l’art. 182 B CGI sur des redevances versées à une société néerlandaise, ou si, conformément à l’art. 12 de la convention, ces redevances n’étaient imposables que dans l’État de résidence du bénéficiaire. En corollaire : la preuve exigible pour bénéficier de la convention se limite-t-elle à l’établissement de la résidence fiscale (art. 4) ou requiert-elle la démonstration d’une imposition effective à l’impôt néerlandais ?
Position du juge
Le Conseil d’État relève que la CAA a refusé l’application de la convention au motif que les attestations produites par Lolie ne démontraient pas que la société néerlandaise avait été effectivement soumise à l’impôt sur les sociétés aux Pays-Bas en 2014. Or, cette exigence méconnaît la convention : pour l’art. 4 (résident), il suffit que la personne soit assujettie à l’impôt en vertu de la législation de l’État de résidence « en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère analogue » ; la convention n’exige pas la preuve d’une imposition effective pour l’application de l’art. 12. La CAA a ainsi commis une erreur de droit. Statuant au fond (art. L. 821-2 CJA), le Conseil d’État constate, au vu du certificat de résidence délivré par l’administration néerlandaise le 8 mars 2017, que The Continuity Group Numeric Photos BV était résidente des Pays-Bas en 2014 au sens de l’art. 4. Dès lors, les sommes versées constituent des redevances au sens de l’art. 12, §2, et, en vertu de l’art. 12, §1, elles sont imposables uniquement aux Pays-Bas. La retenue à la source française (art. 182 B CGI) ne pouvait donc pas être légalement exigée.
Solution
Le Conseil d’État annule l’arrêt de la CAA en tant qu’il statue sur la RAS 2014, décharge la société Lolie de la retenue à la source pratiquée au titre de 2014, réforme le jugement du TA en ce sens et met à la charge de l’État 3 000 € sur le fondement de l’article L. 761-1 CJA.
Cette décision réaffirme, sur un plan strictement fiscal, la prééminence des stipulations conventionnelles sur la RAS de l’art. 182 B CGI pour les redevances versées à un résident néerlandais dûment établi (art. 4), l’imposition exclusive dans l’État de résidence (art. 12) et l’inutilité d’exiger la preuve d’une imposition effective dans cet État pour bénéficier de la protection conventionnelle.